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Page:Fleuret - Histoire de la bienheureuse Raton, fille de joie, 1931.djvu/225

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plus effilés du monde dans la peau de la tête, en faisant voler des cheveux, dont, par bonheur, toutes les mèches n’étaient pas à elles, et en poussant de furieux glapissements. Cette querelle venait de la prétention de la première : elle soutenait avoir vu le Divin Maître lui apparaître, comme le bruit courait qu’il apparaissait à Raton.

— C’est pas vrai, menteuse ! avait répliqué la Niaise qui ne s’en laissait plus imposer. D’abord, gnia que Raton ! Nous autres, je ne sommes pas encore des saintes…

À moins qu’on ne la requît, la garde montait rarement dans une maison si bien tenue. Une nuit, toutefois, deux officiers pris de vin se disputèrent une fille qu’ils avaient priée à souper dans un appartement au-dessus du salon. Même il est dit qu’ils la jouèrent, et que le perdant fit entendre que la fortune avait été corrigée. Son adversaire ne put souffrir ce langage : il lâcha contre l’insolent un coup de pistolet qui n’eut d’autre effet que de briser une glace et d’ameuter ce quartier pacifique. L’officier irascible prit la fuite. L’autre le chercha, l’épée à la main, dans les couloirs et les vestibules, jurant, de par tous les diables, qu’il en aurait raison s’il le trouvait.

Recrue de fatigue, Raton dormait dans le salon où