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Page:Fleuret - Histoire de la bienheureuse Raton, fille de joie, 1931.djvu/276

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tu ne peux être que l’enfant de cette Sibylle Argeville que je connus le 11 janvier 1756, lors de mon arrivée à Paris ! Embrasse-moi comme un père, car tu es ma fille ! Et rendons grâce à la Providence, dont les voies sont obscures et détournées ! Mon enfant ! ô mon enfant ! sanglota M. Nicolas en serrant Raton contre son cœur, non sans souiller d’encre le tricot de soie rose-chair, ni sans culbuter le petit meuble qui leur inonda les pieds.

Ils demeurèrent ainsi quelques instants. Émue malgré elle de cette paternité soudaine qui ne laissait pas, toutefois, de manifester le signe indubitable d’un trouble charnel, Raton n’osait encore poser de question. D’ailleurs, M. Nicolas la pressait si étroitement qu’elle s’en fût trouvée bien empêchée. Enfin, M. le père, agité de quelques soubresauts et poussant un profond soupir, dénoua son étreinte et conduisit vers le sopha sa fille déconcertée. À cause de sa culotte qui entravait ses pas, il le fit avec une hésitante gravité.

— Ô mon enfant, ma vue se brouille et mon pas chancelle ! murmura M. Nicolas en se rajustant d’un tournemain devant que de s’asseoir. Qui m’aurait dit que je retrouverais ici la fille de Sibylle Argeville, la première courtisane que j’obtins pour un écu, mais qui n’en était pas moins la plus belle et la plus intéressante des femmes, après Jeannette Rousseau et Mme Parangon, si