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Page:Fleuret - Histoire de la bienheureuse Raton, fille de joie, 1931.djvu/401

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rebrodaient, au fur et à mesure, de soies éclatantes sur le canevas déjà flétri du souvenir. Puis elles conçurent de son commerce un orgueil pointilleux, et formèrent, chacune en soi-même, le projet de fonder le Cercle des Amies de la Bienheureuse Raton, afin d’ériger sa gloire sur des mérites qu’elles pensaient être seules à bien connaître, et dont il leur semblait qu’il dût leur revenir quelque chose. Elles édifieraient les novices de bonne volonté. Elles auraient le contrôle sur les dires des étrangères qui se vanteraient d’avoir servi avec la nouvelle Madeleine sous la bannière de la galanterie. Elles démentiraient leurs propos, rétablissant la « vérité du Vrai », et elles les traiteraient de menteuses, d’écornifleuses, de faraudes ! En meilleure preuve, elles leur mettraient sous le nez ces mouchoirs odorants qu’elles seraient seules à posséder, qui parfumeraient la suite de leurs jours d’une essence d’honneur, et qui deviendraient l’insigne sacré des Amies, leur moyen de reconnaissance, quand, vieilles légionnaires de l’Amour, contrefaites et décrépites, elles se retrouveraient parmi les aveugles, les impotentes et les soldats estropiés des maisons de force. Ces mouchoirs, enfin, on les ensevelirait avec elles pour embaumer leur pourriture et leur servir de passeport devant Dieu… Elles diraient aussi à ces hâbleuses, à ces pécores : « Avez-vous seulement connu le Révérend Père