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Page:Fleuret - Histoire de la bienheureuse Raton, fille de joie, 1931.djvu/50

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camaïeux rustiques, où se voyaient les détails d’une noce villageoise avec son concert de musettes, de tambour et de flageolet. Elle alluma un petit réchaud propre à chauffer des fers. Dans l’attente de repasser ses rubans, elle s’assit sur son lit et feuilleta le livre au hasard. La petitesse des caractères la forçait d’épeler les mots et de suivre les lignes du bout du doigt. Elle se promit d’apprendre à le lire plus couramment chaque jour, afin de mieux connaître les belles choses qui plaisaient tant à sa maîtresse et qui nourrissent les rêveries des honnêtes gens. D’ailleurs, elle avait à familiariser son esprit avec les visages et les circonstances, ce que l’on appelle réfléchir, même quand on n’en déduit rien. Elle laissa donc l’histoire de Nadab et Abiu, ces enfants d’Aaron que Dieu anéantit de ses foudres, en châtiment d’avoir rempli leurs encensoirs d’un charbon dérobé à la cuisine.

Raton se revit à l’office devant une longue table où jacassait la valetaille et que présidait M. Rapenod, le suisse. Elle l’avait déjà croisé en entrant avec M. Poitou. Dans son ignorance, elle l’avait pris pour M. le Duc, tant il était gros, coloré, majestueux, et richement vêtu, le chapeau tout galonné d’argent en tête et l’épée au côté. M. Rapenod raconta d’un air touché que Raton lui avait fait la révérence, et chacun d’éclater. Mais M. Rapenod avait rappelé tout le monde aux convenances en