Aller au contenu

Page:Fleuret - Histoire de la bienheureuse Raton, fille de joie, 1931.djvu/73

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Raton eut envie de se jeter au cou de sa maîtresse qui versait des larmes. Elle n’osa pas non plus les essuyer : son mouchoir n’était pas assez fin. Elle s’en servit pour elle-même, car elle pleurait aussi. Mais elle prit la main douce et potelée dont elle avait fardé les ongles et la baisa avec transport.

— Nous sommes arrivées, dit Mme la Duchesse en tapotant la joue de Raton. La prochaine fois, je prendrai tout de même le carrosse. On y est mieux et l’on s’y fait moins de mauvais sang.

L’office était commencé. En poussant la porte, Raton fut enveloppée d’encens et de musique. Il lui sembla qu’une légion exultante la frappait d’ailes invisibles pour l’exhorter à demeurer dans le colombier du Seigneur. Elle prit place à côté de sa maîtresse dans une petite chapelle latérale d’où l’on pouvait assister au service. Mme la Duchesse jeta quelques regards de connaissance qui ne pouvaient s’adresser particulièrement à personne, car, le chœur étant grillé et séparé de la nef par quatre colonnes de marbre vert, l’on distinguait à peine les religieuses qui chantaient à voix assourdies, formant unisson, qui rappelait le gémissement de la tourterelle. Mais elle pensa que ses bonnes amies l’avaient vue. Elle se recommanda ainsi à leur distraction profane. Après quoi elle lut son livre aussi attentivement que possible,