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Page:Fontanes - Œuvres, tome 1.djvu/130

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LA FORÊT DE NAVARRE.

L’arbre qui fut jadis adoré des Gaulois,
M’en raconte les mœurs et le culte et les lois,
Et des bardes cachés sous ces sombres yeuses
J’entends de loin gémir les voix mystérieuses.
Ces troncs, les vieux enfants de ces vieilles forêts,
Où le savant Druide enferma ses secrets,
Ont vu trois cents printemps rajeunir leur verdure,
Et leur vieillesse même augmenta leur parure.
Tout passe, ils sont debout ; dix races ont été ;
Et moi qui, jeune encor, sous leur ombre ai chanté,
Moi-même dans la tombe ils me verront descendre ;
Leurs rameaux élargis s’étendront sur ma cendre,
Et, touchés de ces vers, quelques amants en deuil
Les rediront peut-être, assis sur mon cercueil.
Ici, l’âme conçoit de plus graves pensées ;
La méditation aux paupières baissées,
L’enthousiasme ardent, le silence, la paix,
Errent de tous côtés sous ces dômes épais.
Ces dômes en tout temps furent chers au poète.
Je ne m’étonne plus que leur sombre retraite
Inspirât ces mortels qui, pontifes et rois,
Jadis au genre humain apportèrent des lois ;
Les vers nous l’ont appris : ô chênes du Riphée,
Vous conservez les noms de Linus et d’Orphée !
Horeb et Sinaï, vos berceaux ténébreux
Répétaient l’hymne saint des prophètes hébreux !
J’avance vers l’Indus : ses bois aromatiques,
Du paisible éléphant retraites domestiques,
Entendirent Bélus, Zoroastre et Brama ;
Les bois du Latium entendirent Numa ;