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Page:Fontanes - Œuvres, tome 1.djvu/15

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NOTICE HISTORIQUE

cert avec Flins[1], entreprit un nouveau journal qui s’appelait le Modérateur. Mais cet essai ne fut pas plus heureux qu’il ne l’a été à une époque plus voisine de nous, et le torrent emporta bientôt le Modérateur et les modérés. Fontanes néanmoins, se raidissant contre le péril, continua, dans d’autres écrits, à combattre l’anarchie, jusqu’au jour où tombèrent avec le trône et ceux qui l’avaient défendu et plusieurs de ceux-là même qui l’avaient fait tomber. Retiré d’abord à Lyon, où il avait épousé, depuis un an, une femme aimable, spirituelle et d’un caractère noble et ferme, Fontanes vit bientôt ses jours en danger au milieu de ses nouveaux compatriotes incendiés et décimés.

Obligé de fuir, il erra longtemps sans asile, et sa femme accoucha de son premier enfant au milieu des vignes. Recueilli enfin chez un ami, il y reçoit un jour un billet portant ces mots écrits au crayon ; « Allez trouver dans son camp le représentant du peuple Maignet ; il vous donnera un sauf conduit ». Maignet ! l’incendiaire d’Orange et de Bédouin ! quelle ressource ! n’était-ce pas plutôt un piège ? Il s’achemine pourtant vers le camp du proconsul ; on l’arrête au premier poste et on le conduit à Maignet. À peine lui a-t-il dit son nom que celui-ci s’élance sur lui, comme un tigre prêt à dévorer sa proie, lui secoue le corps avec violence et lui glisse furtivement un papier sous ses vêtements, en lui criant : « Tu t’es fait bien attendre ; je n’ai plus besoin de toi ; va-t-en. Gendarme ! qu’on le mène au lieu convenu. » Ces paroles n’étaient pas rassurantes. Fontanes suit en silence le gendarme qui, à une lieue de là, le quitte et lui dit : « Voilà ton chemin ; bonjour. » Resté seul, Fontanes retire le papier mystérieux… c’était un passeport signé Maignet, excellente sauvegarde au moyen de laquelle Fontanes se crut, au moins pour quelque temps, en sûreté. Il alla à Paris et y fit venir madame de Fontanes. Ils y étaient depuis un mois : mais voilà que le 20 décembre 1793 (30 frimaire an II), sortant tout à coup de leur stupeur, les Lyonnais envoient à la barre de la Convention quatre hom-

  1. Flins auteur des comédies, le Réveil d’Épiménide et la jeune Hôtesse.