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Page:Fontanes - Œuvres, tome 1.djvu/192

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LA MORT DU DUC D’ENGHIEN.

Guerrier, législateur et sage,
Jadis un prince tout-puissant,
Dans un aveugle accès de rage
Fit périr Symmaque innocent ;
Mais, ô retour trop légitime !
Il croyait voir de sa victime
Errer la tête à ses côtés :
C’est en vain qu’il la fuit sans cesse,
Partout la tête vengeresse
Frappe ses yeux épouvantés.

Un festin pompeux se prépare,
Le prince y porte son ennui ;
Des hôtes de la mer avare
Les plus vantés sont devant lui ;
Au premier mets qu’on lui présente :
« Quoi ! dit-il, ta tête sanglante,
» Symmaque, me poursuit encor ?
» Symmaque !… » Il se tait et chancelle,
Et, glacé d’une horreur mortelle,
Tombe en tenant sa coupe d’or.

Ô toi, le triste et dernier reste
D’un sang jadis si glorieux,
Jeune Enghien, au séjour céleste
Monte et va joindre tes aïeux !
Pour honorer leur digne élève,
Déjà le grand Condé se lève,