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Page:Fontanes - Œuvres, tome 1.djvu/205

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ŒUVRES DE FONTANES.

 Il est plus doux de la chanter.
Un charme encor se mêle à l’effroi qu’elle imprime ;
Jusqu’en ces monts affreux elle est pour moi sublime !
L’être vivant les fuit, l’aigle n’y vole plus,
Il craint de s’approcher de leur cime glacée.
Sur ces neiges sans fin que de neige entassée !
Sur des milliers d’hivers que d’hivers révolus !
Revenez, champs féconds, prés fleuris, verts ombrages,
Revenez m’entourer de vos douces images,
Beaux vallons de Campan, d’Argelez et de Luz !
Ah ! rendez à mes yeux les fleurs et l’espérance,
Le mouvement de l’arbre, et le vol de l’oiseau
 Et l’homme enfin dont la présence
De l’univers peut seule animer le tableau !
Puissé-je entendre encore, aux pentes du coteau,
Le bruit de la forêt qui dans l’air se balance,
 Et le bêlement du troupeau,
Et le nom du bon roi que bénit le hameau,
Résonnant dans les airs de la vieille romance
 Ou dans les sons du chalumeau !
Qui n’aime à s’égarer dans ces nobles vallées
Que de grands souvenirs d’âge en âge ont peuplées ?
Là, mes mains d’Henri-Quatre ont touché le berceau[1] ;
Jadis, les d’Armagnacs habitaient ce château :
J’en aperçois les tours tant de fois désolées.
Le vieux Raymond, plus loin, déployait son drapeau,
Et des braves Gascons les troupes rassemblées,
Vers les champs syriens par sa voix appelées,

  1. On montrait encore à Pau, capitale du Béarn, le berceau d’Henri IV.