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Page:Fontanes - Œuvres, tome 1.djvu/360

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LA MAISON RUSTIQUE.

Où par d’heureux tableaux doucement abusée,
Proserpine retrouve un second Élysée :
« À des travaux plus doux j’instruirai les humains,
« Dit-elle ; un soc pesant a trop chargé mes mains ;
« Assez mon front brûlé fut noirci de poussière ;
« Ma fille, en ce moment, renaît à la lumière,
« Et je dois me parer pour la mieux accueillir ;
« J’ai fécondé la terre, et je veux l’embellir. »

 Elle dit, prend son char, monte, et place auprès d’elle
Pomone encore enfant, sa nymphe la plus belle,
Qui, près de la déesse, a le rang qu’à sa cour
La reine de Paphos donne aux sœurs de l’Amour.
Cependant le char roule : il atteint les campagnes
Où l’on dit qu’au milieu de ses jeunes compagnes,
Proserpine en jouant moissonnait quelques fleurs,
Quand Pluton la ravit, insensible à ses pleurs.
Dans le vallon d’Enna Cérès est descendue,
Et c’est là que sa fille est par elle attendue.
Dans Enna ! quoi ! Cérès ne craint point d’affliger
La pudeur que ce lieu vit naguère outrager ?
Non, l’amour fit le crime, et bientôt désarmée,
Une vierge pardonne à qui l’a trop aimée :
La Déesse le sait, elle est femme, et son cœur
A fait choix du lieu même où Pluton fut vainqueur.
Elle y trace un verger, mais sa main toujours sage
Fuit des tableaux confus le bizarre assemblage,
Cherche, et trouve auprès d’elle un facile ornement,
Charme l’œil avec ordre, et brille utilement.