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Page:Fontanes - Œuvres, tome 1.djvu/465

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ŒUVRES DE FONTANES.

Il n’entend point ces cris de douleur et de rage
Qui doivent des tourments annoncer le séjour.
D’harmonieuses voix s’élèvent à l’entour ;
Un plaisir inconnu s’est glissé dans ses veines.
Près du fleuve infernal de trompeuses Syrènes
Célébraient Thémistocle, et, flattant son grand cœur
Des Grecs sauvés par lui le nommaient le vengeur ;
Leur visage est riant, leur voix mélodieuse ;
Mais sous ces joncs épais, dans l’onde insidieuse,
De leur corps monstrueux le reste s’est caché ;
Malheur à l’imprudent que leur voix a touché !
Le guerrier vers la rive a détourné la tête ;
Il veut s’en approcher : le Dieu lui crie : « Arrête !
« Crains de ces doux accents les perfides appas. »

 La caverne, à l’instant, s’ébranle sous leurs pas ;
Du Tartare enflammé les trois fleuves mugissent.
Tel, menaçant les cieux que ses flammes rougissent,
L’Etna tonne en fureur quand, de ses vastes flancs,
Il vomit et la cendre et les rochers brûlants ;
Quand Érix, et Messine, et Catane effrayées,
Croulent sous les débris de leurs tours foudroyées.
Avec moins de fracas s’entrechoquent deux mers,
Quand Éole irrité, bouleversant les airs,
Rompt le nœud qui retient ses outres frémissantes,
Où se heurtent des vents les voix retentissantes.

 Averti par Cérès, l’effroyable Caron
Les reçoit dans sa barque, aux bords de l’Achéron :
Et le fleuve des morts, par une pente aisée,