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Page:Fontanes - Œuvres, tome 1.djvu/469

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ŒUVRES DE FONTANES.


 Sur un cercueil ouvert se penchait Tisiphone ;
Elle arrache à son front, ô spectacle d’horreur !
Deux serpents dont sa voix irrite la fureur,
Et tournant dans ses mains l’un et l’autre reptile,
Bat de leurs nœuds vivants un cadavre immobile.
Le cadavre frémit, s’agite, et par degré
D’un lambeau de linceul se redresse entouré.
Ouvre à demi les yeux, les referme, et s’écrie :
« Rendez-moi le néant. » — « Non, répond la Furie
« Non, le néant est sourd ; tu l’appelles en vain ;
« Tu dois vivre à jamais. » Elle dit, et sa main,
Aux feux du Phlégéton qui bouillonnent sans cesse,
Rallume, en l’agitant, la torche vengeresse ;
Elle en frappe l’impie, et du soufre enflammé
Tout son corps est couvert et n’est point consumé.
Il veut fuir, et soudain la torche inévitable,
S’armant d’un triple feu, ressaisit le coupable.
Il rugit de douleur, et maudissant le Ciel,
Insulte encore au Dieu qui fit l’homme immortel.
Le noir délire empreint dans ses regards funestes,
Les langes du tombeau dont il traîne les restes,
Ces traits décolorés que la cendre a couverts,
L’orgueil qu’on lit toujours sur le front du pervers,
Et ces débris humains où la mort est vivante,
Ont du peuple infernal redouble l’épouvante.
Son délire est suivi d’une morne stupeur.
Il retombe un moment dans un calme trompeur ;
Il se croit au Gymnase, au Portique, au Lycée ;
On l’entoure, il blasphème : une foule insensée
L’admire, l’applaudit, le couronne de fleurs ;