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Page:Fontanes - Œuvres, tome 1.djvu/489

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ŒUVRES DE FONTANES.

« Répond-il au vieillard ; faut-il que je t’adore ?
« Je n’entends plus ta voix, ta voix me charme encore.
« Oui ; tes traits sont divins, oui… » Mais dans la forêt
Le vieillard à l’instant s’éloigne et disparaît,
Et sa lyre après lui résonne sous l’ombrage.
Eschyle impatient, qu’un Dieu même encourage,
Longtemps marche en ces bois de détours en détours,
Vers l’invisible son qui s’éloigne toujours.
Il poursuit son chemin ; mais le bruit de la lyre
Décroit à chaque pas, et lentement expire.
Tout se tait, il s’étonne, et le jour va finir ;
Sur sa trace oubliée il cherche à revenir,
S’égare, et voit enfin s’ouvrir un large espace,
Qu’un long rang de rochers de tous côtés embrasse.
Ces rochers sont couverts de pins et de cyprès,
Où du soleil mourant brillent les derniers traits.
Au milieu s’élevait, chargé d’herbe et de lierre,
Un tombeau dont le temps avait brisé la pierre.
Le nom qui le couvrit s’effaça tout entier.
Mais l’Occident a vu l’ombre se déployer :
La nuit vient, et non loin de cette pierre antique
Déjà les rossignols commençaient leur cantique :
C’était un air nouveau, dont ces enfants du Ciel
N’ont point encor charmé l’oreille d’un mortel.
Sitôt que dans ces lieux vient chanter Philomèle,
Sa cadence a plus d’art, sa chanson est plus belle ;
Jamais, jamais sa voix n’eut les mêmes douceurs
À Délos, à Tempé, lieux chéris des Neuf Sœurs,
À Gnide, aux bords charmants d’Ilissus ou d’Alphée.
Tel, non loin du Strymon, l’inconsolable Orphée,