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Page:Fontanes - Œuvres, tome 1.djvu/508

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381
POÉSIES DIVERSES.

AUTRE FRAGMENT DU MÊME POEME[1].


1777.


..........La matière,
Océan dont jamais ne décroissent les bords,
Dans un flux mutuel entretient tous les corps.
Ils meurent à nos yeux, mais pour se reproduire ;
Les germes créateurs ne peuvent se détruire ;
L’ouvrier tout-puissant, ce ministre de Dieu,
Qui, comme Dieu lui-même, est présent en tout lieu,
Le mouvement fécond, dont la force éternelle
Rapproche, assemble, accroît, désunit, renouvelle,
Sans perdre un seul atôme, en des membres divers
Façonne à chaque instant le corps de l’univers.
Ainsi, dans le grand tout, rien ne périt : tout change.
Dieu dit : l’homme, à sa voix, s’élève de la fange,
Sur le monde, en pleurant, ne se traine qu’un jour,
Et rentre au sein des champs qu’il nourrit à son tour.
L’animal destructeur, à sa propre existence
Des végétaux broyés réunit la substance,
Et quand la terre avide en ses flancs l’a repris,

  1. De tels morceaux, ébauchés à dix-neuf ans, montrent combien les muses sévères étaient naturelles à Fontanes ; ils annoncent le poëte qui devait produire un jour ce beau et grave huitième chant de la Grèce sauvée. Peu après le temps où Fontanes ébauchait son poëme philosophique dans le goût de Lucrèce, André Chénier tentait son Hermès, également inachevé. La poésie du dix-huitième siècle ne devait pas avoir son Buffon.