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Page:Fontanes - Œuvres, tome 1.djvu/62

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lix
M. DE FONTANES

exprime si merveilleusement, on reconnaît son propre talent d’abeille :

Comme on voit, quand l’hiver a chassé les frimas,
Revoler sur les fleurs l’abeille ranimée,
Qui six mois dans sa ruche a langui renfermée,
Ainsi revole aux champs, Muse, fille du ciel !
De poétiques fleurs compose un nouveau miel ;
Laisse les vils frelons qui te livrent la guerre
À la hâte et sans art pétrir un miel vulgaire ;
Pour toi, saisis l’instant : marque d’un œil jaloux
Le terrain qui produit les parfums les plus doux :
Reposant jusqu’au soir sur la tige choisie,
Exprime avec lenteur une douce ambroisie.
Épure-la sans cesse, et forme pour les cieux
Ce breuvage immortel attendu par les Dieux.


Je suis porté à placer alors la première inspiration de la Grèce sauvée ; je conjecture que l’Anacharsis de l’abbé Barthélemy, dont l’impression sur lui fut si vive, et qu’il célébra dans une Épître, lui en donna idée par contre-coup. Son poëme de la Grèce sauvée, en effet, eût été pour la couleur le contemporain du Voyage d’Anacharsis, comme sa Chartreuse et son Jour des Morts étaient bien des élégies contemporaines des Études de la Nature. Arrivé à trente-cinq ans et songeant à se recueillir enfin dans une œuvre, Fontanes se disait sans doute un peu pour lui-même ce qu’il écrivait à l’abbé Barthélemy :

Tandis que le troupeau des écrivains vulgaires
Se fatigue à chercher des succès éphémères.
  Et dans sa folle ambition,
Prête une oreille avide à tous les vents contraires
  De l’inconstante opinion,
Le grand homme, puisant aux sources étrangères,
Trente ans médite en paix ses travaux solitaires ;
Au pied du monument qu’il fut lent à finir
Il se repose enfin, sans voir ses adversaires.
  Et l’œil fixé sur l’avenir.