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Page:Fontanes - Œuvres, tome 1.djvu/84

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M. DE FONTANES

rière Atala[1] ; il appuya surtout, par deux extraits[2], le Génie du Christianisme qui se lançait enfin ; son suffrage frappait juste plutôt que fort, comme il convient à un ami. La critique, en une main habile et puissante, à ce moment décisif de la sortie, est comme ce dieu Portunus des anciens, qui poussait le vaisseau hors du port :

Et pater ipse manu magna Portunus euntem
Impulit……

On a relu depuis longtemps les articles de Fontanes, recueillis à la suite du Génie du Christianisme : pareils encore à ces barques de pilote, qui, après avoir guidé le grand vaisseau à la sortie périlleuse, sont ensuite repris à son bord et traversent par lui l’Océan.

Je trouve quelques renseignements bien précis sur ce moment littéraire décisif où parut le Génie du Christianisme. L’attention publique était grandement éveillée par les fragments donnés au Mercure, puis, en dernier lieu, par Atala. Le parti philosophique, irrité, se tenait à l’affût ; le parti religieux se serrait, s’étendait, s’animait comme à une victoire. M. de Bonald venait au corps de bataille, M. de Châteaubriand ne se considérait qu’à l’avant-garde ; La Harpe, vieilli, était en tête de l’artillerie ; mais on craignait tout bas que, pour le cas présent, ses lingots, d’un trop gros calibre, ne portassent pas très loin. Fontanes servit la pièce en sa place ; le coup porta. Dans une seule journée, le libraire Migneret vendait pour mille écus, et il parlait déjà d’une seconde édition, la première était tirée à quatre mille exemplaires. La Harpe ne connut d’abord le livre que par le premier extrait de Fontanes ; il envoya aussitôt chercher l’auteur par Migneret. Il était hors de lui : « Voilà de la critique, voilà de la littérature ! Ah ! messieurs les philosophes, vous avez à faire à

  1. Mercure, germinal an IX.
  2. Mercure, floréal et fructidor an X.