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Page:Forbin - Souvenirs de la Sicile.djvu/25

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SOUVENIRS

d’Elbe. L’attente est devenue l’état habituel de toute la population de cette île, qui, du reste, semble être vouée au sommeil, parce qu’elle préfère sans doute ses rêves à la triste réalité de son existence oubliée. Encore frappés du merveilleux de la chute, de l’exil et du départ de Napoléon, les habitans de l’île d’Elbe ne semblaient pas croire que cette grande scène fût terminée. À peine signalait-on quelques voiles qui s’approchaient des côtes ; ils accouraient tous, persuadés qu’un nouvel événement venait ranimer leur rivage si triste, si délaissé.

Je parcourais la maison qu’avait habitée Napoléon, lorsque notre consul nous apprit le nouveau forfait qui plongeait la France dans le deuil. Consternés de ce crime, nous récapitulions tout ce que le poignard venait d’enlever à notre patrie, en frappant ce cœur inaccessible à la haine comme il l’était à la crainte, ce cœur ouvert à toutes les nobles affections et digne de toutes les gloires. Dominé par ces tristes pensées, je ne vis plus rien, et me hâtai de quitter les rues solitaires de Porto-Ferraïo. Nous mîmes à la voile bientôt après : la violence du vent d’ouest nous contraignit à entrer dans le port de Civita-