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Page:Foucaud, Simon - Trois semaines d'herborisations en Corse, 1898.djvu/100

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heures à Ghisonnaccia par une avant-garde d’une quinzaine d’hommes. À cette époque, une troupe de bandits tenait le maquis environnant et s’avançait, même en plein jour, aux environs des villages, quand la gendarmerie était signalée à distance convenable. Or ce jour-là, les bandits avaient arrêté sur la route deux ou trois charretiers conduisant un convoi de vin du Cap, et après les avoir contraints de dételer leurs chevaux et de décharger quelques barriques, s’en étaient donnés à cœur joie à la santé des braves Pandores. Au moment où l’avant-garde de la colonne fut signalée, nos compères, déjà joyeux, se disposaient à regagner la brousse quand, rassurés par la mine pacifique des troupiers, une idée burlesque les arrêta. Rangés sur le bord du chemin, ils accueillirent les soldats avec des exclamations d’enthousiasme, et sans plus de façon les invitèrent à se rafraîchir ; déjà les braves pioupious, accablés par la chaleur et la fatigue, se réjouissaient de cette heureuse rencontre, et buvaient à pleins quarts, bénissant la libéralité des paysans de Ghisonnaccia, quand le gros de la colonne parut à l’horizon. Alors, sur un coup de sifflet strident, tous les généreux gredins disparurent dans les broussailles, tirant en l’air des coups de fusil et criant à tue tête aux soldats ébahis leurs noms ou leurs surnoms, trop connus dans la contrée.

Tout en évoquant ces souvenirs, nous arrivâmes au Pont du Fiumorbo, où nous vîmes Populus nigra L., Salix alba L., Lychnis Flos-cuculi L., Phytolacca decandra L., Gomphocarpus fruticosus R. Rr. et Digitalis purpurea var. tomentosa Webb., et bientôt après, à la Solenzara.

Une fois installés dans la seule auberge du village,