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Page:Fourest - Le Géranium ovipare, 1935.djvu/40

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passer : sans rétine elle voit
se dérouler tout le convoi ;
dans la terre elle voit descendre
mon beau cercueil de palissandre,
même elle distingue à travers
les ais de la bière les vers[1]
grouillant sur ma chair aux tons verts[1]
et son absence de narines
perçoit l’odeur des ptomaïnes
(Coty, comme toi, les défunts
distillent de puissants parfums).
— « Ah ! nom de Dieu ! » susurre-t-elle,
« quelle veine d’être immortelle !
« Pourris, mon corps, pourris, mon vieux,
« moi près du bon Dieu, dans les cieux
« je plane : où pourrais-je être mieux ?
« Pauvre corps, c’est fini nous deux !
« Moi je suis belle et toi hideux,
« avec tes yeux tu ne vois pas,
« je te vois, moi qui n’en ai pas.
« Et cependant ne t’en fais pas,
« hélas ! si depuis le trépas
« les vers de toi font leur repas,
« si les larves se sont repues

  1. a et b Déjà !
    (Note de l’Auteur.)