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Page:Fournier - Mon encrier (recueil posthume d'études et d'articles choisis dont deux inédits), Tome II, 1922.djvu/170

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MON ENCRIER

tre conception du savoir-vivre et notre religion. C’est le grand mal canadien, c’est le mal de l’à peu près.

Considérons-en tout d’abord, pour mieux fixer ma pensée, l’effet sinon le plus apparent, du moins le plus concret, — je veux dire ce mélange singulier de nonchalance, de gaucherie, de relâchement, qui dans notre maintien, notre attitude, nos gestes et tout notre extérieur, ne manque jamais de frapper l’étranger même le moins attentif. Nous en sommes d’habitude moins frappés nous-mêmes, et pour cause. Qu’il nous arrive pourtant d’apercevoir un jour par hasard, se faisant vis-à-vis, un Français ordinaire et un Canadien de la moyenne, nous serons tout de suite saisis du contraste. Malgré nous, la comparaison s’établira dans notre esprit entre l’allure dégagée, nette, précise, de l’Européen, et celle de notre compatriote ; entre la parole aisée, distincte, du premier, et l’élocution pâteuse du second ; entre la correction de l’un, enfin, et le débraillé de l’autre.

— Est-ce à dire que nous représentions physiquement, par rapport à nos cousins d’outre-mer, un type de Français dégénéré ? Non sans doute, s’il est vrai, comme je le crois, que nous ne sommes ni moins bien portants qu’eux, ni moins bien « bâtis ». Non sans doute, nous n’avons pas dégénéré. Seulement, nous avons épaissi.