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Page:Francisco de Miranda - Le général Miranda à la Représentation nationale, 1795.djvu/14

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une perfidie inouie, noyé dans la mer par ordre ſecret du même gouvernement. Cette politique paroit ſi atroce, que le même hiſtorien ajoute ; "Une telle noirceur ne me paroit pas croyable, même dans des Carthaginois".

Eh bien ! citoyens, que direz vous, en lifant ce qui s'eſt paſſé à mon égard. Je vous proteſte que non pas une fois, mais dix, j’aurois voulu changer mon ſort avec celui de ce Grec infortuné, plutôt que d’endurer les tourmens que j’ai ſoufferts & que je ſouſſre encore dans ce moment ci. Si Xantipe eut le malheur qu’on lui enleva la vie, choſe ſi commune dans la profeſſion des armes, il eut le bonheur, auiſſi, qu’on lui laiſſa ſon honneur & ſa réputation intacts, objets beaucoup plus précieux pour un militaire & pour tout homme libre. — Aurois-je dû m’attendre qu’au lieu de la magnanimité romaine, j’euſſe trouvé la foi carthaginoiſe, parmi la nation la plus civiliſée, peut-être, de la terre ?

Qu’on ne diſe pas que cela n’eſt que l'efFet d'une tyrannie qu’on a détruite. Cela peut être vrai juſqu’au 9 thermidor. Mais depuis que toutes les baſtilles ſe ſont ouvertes, qu'on a proclamé une amniſtie pour ceux-mêmes qui ont porté les armes contre la patrie. & qu’aux aſſaſſins publics, on accorde (ce qui eſt juſte) toutes les formes preſcrites par les loix, pour leur défenſe ; qu’on continue à me les reſuser ? — C'eſt de quoi je me plains hautement à la Repréſentation Nationale, & ſur quoi j’apelle l'attention de tous les peuples de la terre... Je ne cherche pas de grâce auprès de la Convention. Je réclame la plus rigoureuse juſtice, tant pour moi que pour ceux qui ont oſé, par un pareil attentat, compromettre, la dignité du peuple françois, et avilir sa représentation nationale.

À la Force, ce 13 Nivôfe, l’an 3me. de la Rép. Fr.


F. MIRANDA.