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Page:Franck - Dictionnaire des sciences philosophiques, 1844, T1.djvu/16

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xij PRÉFACE.

cause bien moins digne de respect. Ce sont ceux qui, placés en dehors du mouvement intellectuel de leur époque et n’ayant pris dans l’héritage du siècle précédent que la plus mauvaise part, c’est-à-dire les rancunes et les erreurs, continuent à faire une guerre désespérée à toute idée spiritualiste et religieuse, à toute pensée d’ordre, à tout sentiment de respect et de généreuse abnégation. Nous avons hâte de le dire, ce n’est pas de la vraie philosophie du xviiie siècle que nous voulons parler. L’école de Locke et de Condillac, il faut lui rendre cette justice, n’est jamais descendue si bas ; les penseurs éminents qu’elle a comptés dans son sein, ont suppléé, par l’élévation de leurs sentiments personnels, à l’imperfection de leur système, et se sont dérobés par une heureuse inconséquence aux résultats que leur imposait une logique sévère, Au reste, cette mémorable école n’est déjà plus qu’un souvenir. Ce que nous voyons aujourd’hui à sa place, se parant de ses titres usurpant les respects qu’elle inspirait autrefois, c’est un grossier matérialisme. Le matérialisme aurait-il donc plus de chances de durée que la doctrine de la sensation ? Logiquement, cela est impossible ; mais il est inutile, ayant affaire à un tel adversaire, que nous appellions à notre aide le raisonnement. Le langage des faits est bien assez clair. Or, quel spectacle l’opinion matérialiste offre-t-elle aujourd’hui à nos yeux ? Abandonnée sans retour par l’esprit public qui ne sait plus se plaire qu’aux idées graves et sérieuses, elle n’ose plus même avouer son nom ni parler sa propre langue. Elle n’a plus à la bouche que des phrases mystiques ; elle ne fait que citer les Ecritures saintes pêle-mêle avec les Vedas, le Koran et des sentences d’une origine encore plus suspecte ; elle parle sans cesse de Dieu, de morale, de religion ; et tout cela pour nous prouver qu’il n’existe rien en dehors ni au-dessus de ce monde, qu’une âme distincte du corps est une pure chimère, que la résignation aux maux inévitables de cette vie est une lâcheté, la charité une folie, le droit de propriété un crime et le mariage un état contre nature. Elle n’a pas changé, comme on voit, quant au fond, sinon qu’à ce tissu de pernicieuses extravagances elle vient de mêler encore le rêve