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Page:Froissart - Poésies (1829).djvu/193

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DE JEAN FROISSART.

Ains me remet mon doulc penser à point.
Et quand le mal d’amer si fort me point
Qu’il me convient fremir comment qu’il aille,
Et que souvent à contenance faille
Par la vertu de quoi elle me touche,
Tant que sus moi n’a mains, ne yex, ne bouche,
Ne membre nul qui se puisse mouvoir ;
Mès tous pensis me fault arrest avoir ;
Ne je ne sçai auquel lès commencier :
Dont ma besongne puisse en riens avancier ;
Ains me convient estre tous esbahis ;
Lors, Souvenirs, dont pas ne sui hays,
Pour moi oster de toute pesans oevre
Très soubtilment par dedens mon coer oevre,
Et m’i remet le rieule et le droit cours
Dont gouvrenés est li estas d’Amours.
Si sagement me ratempre et atourne,
Que sus moi n’a mouvement qui ne tourne
Et que cascuns ne face son devoir.
Desirs me vient premiers ramentevoir
La grant beauté de vous, madame gente,
Par la vertu de Plaisance que j’ente
Dedens mon coer et adont je desir
Que vous saciés plainnement mon desir,
Et que mon mal cognissiés et voyés.
Et quand je sui auques près avoyés,
Et que Desirs qui me bruist et art
N’i voelt viser ordenance ne art,
Fors que tout dis aler à l’aventure,
Lors me revient Attemprance séure