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Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/241

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mouvement lent et comme embourbées dans les terres grasses. À quelque distance que ce fût, on distinguait les attelages. Cet accent plaintif et tout local se prolongeait indéfiniment dans le calme absolu de cette journée grise. De temps en temps, une pluie fine et chaude descendait à travers l’atmosphère, comme un rideau de gaze légère. La mer commençait à rugir au fond des passes. Nous suivîmes la côte. Les marais étaient sous l’eau ; la marée haute avait en partie submergé le jardin du phare et battait paisiblement le pied de la tour, qui ne reposait plus que sur un îlot.

Madeleine marchait légèrement dans les chemins détrempés. À chaque pas, elle y laissait dans la terre molle la forme imprimée de sa chaussure étroite à talons saillants. Je regardais cette trace fragile, je la suivais, tant elle était reconnaissable à côté des nôtres. Je calculais ce qu’elle pouvait durer. J’aurais souhaité qu’elle restât toujours incrustée, comme des témoignages de présence, pour l’époque incertaine où je repasserais là sans Madeleine ; puis je pensais que le premier passant venu l’effacerait, qu’un peu de pluie la ferait disparaître, et je m’arrêtais pour apercevoir encore dans les sinuosités du sentier ce singulier sillage