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Page:Frondaie - L'Homme à l'Hispano - 1925.djvu/111

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L’HOMME À L’HISPANO

d’un petit déjeuner frugal. Le lait, les lourdes pêches, le pain encore chaud leur apparurent incomparables. Elle riait des humbles détails comme une enfant qui découvre un monde. Elle lui tendait la moitié du fruit qu’elle avait mordu et les couverts d’étain jouaient dans ses mains joyeuses comme des instruments barbares. Le bol grossier, la table épaisse et tailladée par les couteaux des routiers, les bancs allongés dans la salle basse, tout, lui semblait appartenir à une planète éloignée. Et lui, — dans la pauvre auberge où, raisonnablement, il aurait pu l’inviter quelques jours, — il contemplait sa simplicité somptueuse et, sur ses mains, les bagues qui auraient, elles seules, payé plusieurs fois la maison, les champs, les meubles paysans. La vieille aubergiste, au visage dur et triste, courbée sous le labeur, songeait avec envie qu’ils étaient heureux.

Avant Sauveterre, ils traversèrent une place retentissante de cris et de meuglements. C’était le jour d’un marché de bœufs. Sur le sol, les hauts platanes découpaient leurs ombres précises. Les animaux, dans le soleil, battaient l’air de leurs longues queues et faisaient s’envoler les mouches. Une bave argentée coulait de leurs naseaux et, patients et doux, ils laissaient les hommes régler leur sort indifférent. Les acheteurs criaient en patois et c’était un bruit de dispute. Des femmes, dans le même instant, ven-