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Page:Frondaie - L'Homme à l'Hispano - 1925.djvu/168

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l’homme à l’hispano

Il fut convenu qu’elle irait seule à Biarritz et reviendrait après une absence de trois semaines ou qu’alors il l’irait rejoindre. Elle se prodigua à lui pendant les derniers jours et il sembla que leur amour, loin de s’affaiblir à l’usage, devenait, chaque nuit, plus impérieux.

Enfin, le 11 novembre, — le jour de l’Armistice et de la Saint-René, — il la conduisit à la gare.

Il était sept heures du soir. Une pluie tombait du ciel avec une telle violence qu’elle rejaillissait sur l’asphalte glissant. Il l’accompagna jusqu’à la cabine des wagons-lits qu’elle avait choisie à une seule place et la femme de chambre occupait un autre single. Le grand train lourd pesait sur la voie souterraine. Le quai n’était pas animé et ils le parcouraient en parlant à voix basse. Elle lui faisait mille recommandations tendres et elle pressait sa main dans la sienne. Elle était enveloppée d’un manteau de fourrure grise, d’où s’échappait une odeur d’ambre. Son visage était encadré d’un chapeau combiné dans des ailes d’oiseaux repliées et ses yeux prenaient du mystère sous un voile léger. Il ne savait rien lui dire que : « Vous êtes belle ! » Son intonation frémissait et ils étaient si bouleversés de la douleur de se séparer qu’elle ne s’aperçut pas qu’il ne l’avait plus tutoyée. Enfin les serviteurs du train firent les derniers appels. Il fallut monter dans la voiture et, du haut du marche-pied, elle lui parlait encore, cependant qu’il tenait la barre d’appui