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Page:Frondaie - L'Homme à l'Hispano - 1925.djvu/171

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l’homme à l’hispano

mit dans un verre deux roses qu’elle avait laissé tomber de sa ceinture. Elle le regardait faire, heureuse d’être l’objet de tant de soins. Il rangea dans le nécessaire les bagues qu’elle laissait traîner sur la tablette du lavabo et, quand elle fut bien prête pour la nuit, il s’assit à l’angle du lit. Elle lui souriait, apaisée, après la frénésie qui, tout à l’heure, les avait secoués, comme le vent les jeunes saules, et, comblée, elle porta la main aimée à ses lèvres. Alors il s’agenouilla et leurs deux têtes se regardaient.

— Es-tu certain de me quitter aux Aubrais ? lui demanda-t-elle, douteuse. Ne va-t-il pas plutôt falloir que je te fasse un peu de place ? C’est bien petit.

Elle sentait qu’elle l’aimait follement. À l’oreille, il lui répondit qu’il allait descendre et qu’elle devait s’endormir. Il caressait son front, ses lourds cheveux et il vit ses yeux se fermer. On eût dit qu’il avait eu la volonté de lui procurer le sommeil. Elle percevait à peine que le train venait de s’arrêter et les voix étrangères au dehors. Brusquement, elle se réveilla. Il s’était relevé et, courbé vers elle, il la regardait avec un air extraordinaire, une espèce de bonté surhumaine. Elle eut le temps à peine de lui tendre ses bras nus, de prendre ses lèvres, de balbutier qu’elle reviendrait vite. Déjà il était sorti du compartiment après un baiser silencieux. Alors elle bondit vers la fenêtre, ouvrit le volet de bois