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Page:Frondaie - L'Homme à l'Hispano - 1925.djvu/19

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L’HOMME À L’HISPANO

climat, serait rébarbative au plus haut chef. Mais elle a des vertus profondes. Les pères moribonds les transmettent aux fils comme les clefs morales d’un invisible trousseau héréditaire.

Pascal Coulevaï, au moment de rejoindre ses ancêtres, laissa avec regret, aux mains de deux enfants, vingt millions qu’ils se partagèrent. L’ainée, Marthe Coulevaï, mourut dans l’extase et le célibat. La fortune entière revint à son cadet, qui fut le grand-père de Stéphane. Il n’eut qu’un fils. Ce fils épousa, vers 1894, une Espagnole de l’Argentine. Elle ajoutait au vieux sang raisonnable des Coulevaï toute une infusion de chevalerie, d’aventures et d’outre-mer. Stéphane hérita de sa noblesse charmante, de son goût des choses sentimentales.

Avant de mourir à son tour, et veuf depuis longtemps déjà, son père la maria, à peu près sans la consulter. Les vingt millions devinrent cinquante. Il y avait de cela quatre ans. De son cœur et de sa chair, Stéphane attendait toujours une révélation. Elle commençait à souffrir d’une terrible soif sentimentale, une de ces soifs dont on ne sait jamais vers quels déserts elles vous entraînent parce qu’elles font naître les mirages.


Elle entra dans la pâtisserie de miss Redge. Elle portait un grand chapeau, une capeline de paille souple qui encadrait un visage radieux. Elle était grande ; chacun de ses gestes rares la