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l’homme à l’hispano

venait en ville, ne manquait point d’y aller. Il savait qu’on y mangeait bien. C’était une animation, les jours de marché. Par l’escalier graisseux, aux odeurs infectes, toute l’humanité montait, attirée par la chair plantureuse de la table d’hôte. Un parfum de choux, d’ail, de viandes rôties, de terrines de gibier s’exhalait de la cuisine par la cheminée du monte-plats. C’était la lutte victorieuse des fumets de la ripaille contre les émanations nauséabondes de l’entrée. Les murs, échauffés par les présences humaines, ruisselaient comme des torses d’ouvriers dans les verreries. Le linge était humide et froid sous les mains, mais la bonne humeur, la gaillardise du patron semait l’allégresse et bientôt, dès la première circulation des plats, on sentait affluer dans les mets servis toute la puissance du Béarn. Des paysans, des voyageurs de commerce, des valets de courses alternaient avec des propriétaires de chevaux, des aviateurs de Pontlong, des aristocrates de la contrée et quelques gourmands de passage. Une vieille galante côtoyait un antiquaire de Paris et l’on voyait même, dans cette atmosphère surchauffée par trop d’haleines, quelques anémiés en traitement dans la ville et que leur médecin envoyait au déjeuner faire là un cure d’engraissement. Quand un service se laissait attendre, l’hôtelier, pour qu’on lui avalât les minutes, les lardait de propos sales. Nicolaï, sec et sobre à Oloron, s’occupait de toutes ses dents. On le taquinait :