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Page:Frondaie - L'Homme à l'Hispano - 1925.djvu/75

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L’HOMME À L’HISPANO

valets leur criaient de faire demi-tour. Ils s’avançaient tout de même, prenaient des sentiers étroits entre les tables et, finalement, ils se casaient. Au dehors, un tumulte sauvage faisait un bruit de quartier nègre. Les jurons des chauffeurs, le mugissement inutile des claksons, les cris inarticulés des grooms occupés à caser les voitures, les ordres des maîtres, les éblouissements des curieux, soudain enveloppés par la projection des phares, quelques mendiants, — tout cela créait une confusion hurlante, une cacophonie de place publique africaine, quand, parmi le tumulte assourdissant des nuits de fête, on mange les prisonniers rôtis. Une odeur d’essence refoulait celle de la mer.

Seul, devant la table à laquelle il avait dîné, — maintenant chargée, comme les autres, de deux seaux frappés (cent soixante francs), d’une assiette de mauvais biscuits (vingt francs), d’une corbeille de fleurs (trente francs) et de petites lampes à abat-jour rouges (gratuites), — Georges Dewalter vit arriver Stéphane et les amis de son escorte, les Deléone, la jolie Mme de Jouvre, suivie du jeune d’Aigregorch qui la désirait vainement, car elle avait des yeux ardents, mais un cœur froid et occupé de son mari, et enfin Pascaline Rareteyre. Stéphane aimait cette petite personne peu raisonnable mais charmante, et d’un monde excellent. Elle était calme et la reposait. Par ailleurs, l’irréprochable lady Oswill — qui savait