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Page:Furetière - Le Roman bourgeois.djvu/291

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n’y en a point qui pust dire que la migraine, qui est une maladie de la teste, fust dans le cœur. Cela peut passer neantmoins à la faveur de cette comparaison qui a toute la froideur que vous luy attribuez ; continuez donc.

Vous trapercez si fort un cœur
Que, quand je l’aurois aussi dur
Que celuy du cheval de bronze,
Il faudroit ceder à vos coups,
Et je vous les donnerois trestous
Quand bien j’en aurois dix ou onze.

Voila (dit Charroselles) une rime gasconne108 ou perigourdine, et vous la pouvez faire trouver bonne en deux façons, en violentant un peu la prononciation, car vous pouvez dire un cœur aussi deur, ou un cur aussi dur ; mais en recompense la rime de onze est fort bien trouvée. Quant au cinquième vers, si vous l’aviez bien mesuré vous le trouveriez trop long d’une sillabe. À cela (répondit Belastre) le remede sera facile ; je n’auray qu’à le faire écrire plus menu, il ne sera pas plus long que les autres. Je ne me serois pas advisé de ce remede (dit Charroselles), et j’aurois plustost dit don-


108. Cette façon de rimer, et partant de prononcer, n’étoit pas si exclusivement gasconne que le dit Charroselles. Sous Louis XIII, on ne faisoit pas autrement à Paris. Grâce à la prononciation, dur y rimoit très bien avec cœur, ce dont s’indignoit le Normand Malherbe. « Il ne vouloit pas, dit Tallemant, qu’on rimât sur bonheur ni sur malheur, parce que les Parisiens n’en prononcent que l’u, comme s’il y avoit bonhur, malhur, etc. » (Historiettes, édit. in-12, t. 1, p. 267.)