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Page:Furetière - Le Roman bourgeois.djvu/336

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ÉPISTRE DEDICATOIRE

Du premier livre que je feray124.

À tres haut et tres redouté seigneur Jean Guillaume, dit S. Aubin,
maistre des hautes œuvres de la ville, prevosté
et vicomté de Paris.

Guillaume,

Voicy asseurément la première fois qu’on vous dedie des livres ; et un present de cette nature est si rare pour vous que sans doute sa nouveauté vous suprendra. Vous croirez peut-estre que je brigue vos faveurs, comme tous les autheurs font d’ordinaire quand ils dedient. Cependant il n’en est rien ; je ne vous ay point d’obligation et ne veux point vous en avoir. Voicy la premiere epistre dedicatoire qui a esté faite sans interest, et qui sera d’autant plus estimable que je n’y mettray point de sentimens deguisez ni corrompus. Il y a long-temps que je suis las de voir les autheurs encenser des personnes qui ne le meritent peut-estre pas tant que vous. Ils sont leurrez par l’espoir d’obtenir des pensions et des recompenses qui ne leur arrivent presque jamais ; ils n’obtiennent pas mesme les graces qu’on ne leur peut refuser avec justice, et j’ay veu encore depuis peu un homme de merite acheter cherement une place pour servir un faux Mecenas, qui en avoit esté


124. C’est cette épître dédicatoire d’un livre futur qui a fait dire que Furetière avoit dédié son Roman bourgeois au bourreau. Nous avons déjà combattu cette erreur trop répétée dans un article sur les livres imaginaires publié par le Journal de l’amateur de livres, tome 3, p. 10–11.