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Page:Gérard - La chasse au lion, 1864.djvu/85

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Quelques minutes après, le cheik avait disparu sous bois, et je me trouvai seul sur la berge de l’Oued-Cherf, en présence des traces de cinq lions qui étaient venus là la veille, du bûcher préparé en leur honneur, et du repaire mystérieux sur lequel les ombres de la nuit jetaient déjà un voile impénétrable que mon imagination se plaisait à déchirer pour compter les dents et les griffes du seigneur à la grosse tête et de la famille qu’il protégeait.

Cette gorge de la Mahouna, au fond de laquelle je me trouvais, est bien la plus pittoresque et surtout la plus sauvage qu’il soit possible de voir.

Qu’on se figure deux montagnes, taillées presque à pic, dont les versants sont coupés de ravins inextricables et couverts de forêts de chênes-lièges, d’oliviers-sauvages et de lentisques.

Entre ces deux montagnes, l’Oued-Cherf, dont le lit, presque sec en été, est littéralement couvert des voies d’animaux de toute espèce, et en hiver n’est pas guéable à cause des mille affluents dont il est grossi.

À voir cette gorge de loin, on la croirait inhabitable et partant inhabitée. Il s’est trouvé pourtant quelques familles assez hardies pour s’y établir à une époque où, le pouvoir les