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Page:Gérin-Lajoie - Jean Rivard, économiste, 1876.djvu/151

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JEAN RIVARD

comme un coup de massue ; en moins de rien, une vingtaine d’hommes étaient étendus par terre, et le reste des fiers-à-bras crut plus prudent de déguerpir. Les électeurs de Rivardville étaient victorieux et restaient maîtres de la place ; mais l’homme au bras de fer, qui avait presque à lui seul terrassé l’ennemi, avait le visage tout ensanglanté, et Jean Rivard lui-même ne l’eût pas reconnu s’il ne l’eût entendu s’écrier en approchant du poll :

Tonnerre d’un nom ! On va voir, à cette heure, si quelqu’un m’empêchera de voter. Je vote pour monsieur Jean Rivard ! et vive l’Empereur ! cria-t-il de toute sa force, et en essuyant le sang qui coulait sur ses joues.

Hourra pour Pierre Gagnon ! cria-t-on de toutes parts.

Il y eut un cri de triomphe assourdissant ; après quoi les autres électeurs présents, imitant l’exemple de Pierre Gagnon, allèrent tour-à-tour faire enregistrer leurs votes.

Qu’as-tu donc, mon ami, dit Jean Rivard à son ami, en lui serrant la main ; tu as l’air de t’être fâché tout rouge ?…

— Oui, mon Empereur, c’est vrai. Je me suis fâché : c’est un oubli ; mais je n’ai pu retenir mon bras. Tonnerre d’un nom ! Quand on a le droit de voter, c’est pour s’en servir. Je sais bien que je vas me faire disputer par Françoise, pour m’être battu. Mais quand je lui dirai que c’était pour le bourgeois, elle va me dire : c’est bon, Pierre, c’est comme ça qu’il faut faire.

L’adversaire de Jean Rivard eut l’honneur d’obtenir un vote dans toute la paroisse de Rivardville : ce