Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/112

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Ne souhaitait-il pas, la veille, l’éloignement de Maurice ?

Eh bien !… une occasion se présentait, telle qu’il était impossible d’en imaginer une meilleure !… Que la démarche proposée eût lieu, et certainement le baron et sa famille allaient être forcés de s’expatrier peut-être pour toujours…

On hésitait, Martial le voyait, et il sentait qu’un mot de lui, un seul, pour ou contre, entraînerait tous les assistants.

Il eut dix secondes d’angoisses affreuses… Mais l’honneur l’emporta.

Il se leva et déclara que la mesure était mauvaise, impolitique…

— M. d’Escorval, dit-il, est un de ces hommes qui répandent autour d’eux comme un parfum d’honnêteté et de justice… Ayons le bon sens de respecter la considération qui l’environne.

Ainsi qu’il l’avait prévu, Martial décida les hôtes de M. de Courtomieu. L’air froid et hautain qu’il savait si bien prendre, sa parole brève et tranchante produisirent un grand effet.

— Évidemment, ce serait une faute ! fut le cri général.

Martial s’était rassis, Mlle Blanche se pencha vers lui.

— C’est bien !… ce que vous avez fait là, monsieur le marquis, murmura-t-elle, vous savez défendre vos amis.

Pris à l’improviste, la voix de Martial se ressentit de son agitation :

— M. d’Escorval n’est pas de mes amis, dit-il, l’injustice m’a révolté, voilà tout.

Mlle de Courtomieu ne pouvait être dupe de cette explication. Un pressentiment lui disait qu’il y avait là quelque chose. Cependant elle ajouta :

— Votre conduite n’en est que plus belle.

Mais ce n’était pas là l’avis du duc de Sairmeuse, et tout en regagnant son château quelques heures plus tard, il reprochait amèrement à son fils son intervention.