Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/133

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— J’espère, monsieur, dit-il, que vous m’excuserez de vous avoir poursuivi quand vous m’aurez entendu. Je ne suis pas de votre bord, j’exècre ce que vous adorez, mais je n’ai ni la passion ni les rancunes de vos ennemis. C’est pourquoi je vous dis : à votre place, je voyagerais… La frontière est à deux pas, un bon cheval et un temps de galop, et on est à l’abri… À bon entendeur salut !

Et sans attendre une réponse, il s’éloigna.

M. d’Escorval était confondu.

— On dirait une conspiration pour me chasser, murmura-t-il. Mais j’ai de fortes raisons de suspecter la bonne foi de ce beau fils.

Martial était déjà loin.

Moins préoccupé, il eût aperçu deux ombres le long du bois : Mlle Blanche de Courtomieu, suivie de l’inévitable tante Médie, était venue l’épier.

XVII


M. le marquis de Courtomieu idolâtrait sa fille ; c’était un fait admis, notoire dans le pays, incontestable et incontesté.

Venait-on à lui parler de Mlle Blanche, on ne manquait jamais de lui dire :

— Vous qui adorez votre fille…

Et si lui-même en parlait, il disait :

— Moi qui adore Blanche…

La vérité est qu’il eût donné bonne chose, le tiers de sa fortune, pour en être débarrassé.

Cette jeune fille toute souriante, qui semblait encore une enfant, avait su prendre sur lui un empire absolu dont elle abusait ; et, selon son expression en ses jours