Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/152

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nonça-t-il d’un ton ferme et grave, c’est que je sais tout… Vos projets de vengeance, je les ai pénétrés. Vous cherchez des hommes pour vous seconder, n’est-ce pas ? Eh bien !… regardez-moi en face, dans les yeux, et dites-moi si je ne suis pas de ceux qu’un chef s’estime heureux d’enrôler…

Ce fut M. Lacheneur qui perdit contenance.

— Je ne sais ce que vous voulez dire, balbutia-t-il, oubliant sa feinte colère ; je n’ai pas de projets…

— En feriez-vous serment ?… Alors pourquoi ces balles que vous êtes occupés à fondre ?… Conspirateurs maladroits !… Il fallait au moins fermer votre porte, un autre que moi pouvait entrer…

Il dit, et joignant l’exemple au précepte, il se retourna et alla pousser le verrou.

— Ceci n’est qu’une imprudence, poursuivit-il… Mais répondre : « Arrière ! » au soldat qui vient à vous librement serait une faute dont vos complices auraient le droit de vous demander compte. Je ne prétends pas, entendez-moi bien, forcer votre confiance… Non. C’est les yeux fermés que je me donne, corps et âme. Quelle que soit votre cause, je la déclare mienne… Ce que vous voulez, je le veux ; j’adopte vos plans, vos ennemis sont les miens… Commandez, j’obéirai… Je ne réclame qu’une grâce, celle de combattre, de triompher ou de me faire tuer à vos côtés !

— Oh ! refusez, mon père !… s’écria Marie-Anne, refusez… Accepter serait un crime que vous ne commettrez pas !…

— Un crime !… Et pourquoi, s’il vous plaît ?…

— Parce que, malheureux, notre cause n’est pas la vôtre, parce que le but est incertain, le succès improbable… parce que le danger est partout, de tous côtés !…

Une exclamation dédaigneuse et ironique de Maurice l’interrompit.

— Et c’est vous, prononça-t-il, vous, qui pensez m’arrêter en me montrant les dangers que vous bravez…

— Maurice !…