Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/159

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contre l’âtre, sous le haut manteau de la cheminée, et il parlait…

Marie-Anne paraissait s’intéresser prodigieusement aux événements ; il lui contait tout ce qu’il pouvait surprendre.

Parfois ils restaient seuls…

Lacheneur, Chanlouineau et Jean couraient la campagne pour le « commerce. » Les affaires allaient si bien que M. Lacheneur avait acheté un cheval afin d’étendre ses tournées.

Mais le plus souvent les causeries de Martial étaient interrompues… Il eût dû être surpris de la quantité de paysans qui se présentaient pour parler à M. Lacheneur. C’était une interminable procession. Et à tous ces clients, Marie-Anne avait quelque chose à dire en secret. Puis, elle offrait à boire… La maison était comme un cabaret…

Qui ne sait où l’âpreté des convoitises peut mener un homme amoureux !… Rien ne chassait Martial. Il plaisantait avec les allants et venants, il donnait une poignée de main, à l’occasion, il lui arrivait de trinquer…

Il eût accepté bien d’autres choses !… N’avait-il pas offert à Lacheneur de l’aider à mettre ses comptes au net ?…

Et une fois, c’était vers le milieu de février, comme il voyait Chanlouineau très-embarrassé pour composer une lettre, il voulut absolument lui servir de secrétaire.

— C’est que ce n’est pas pour moi, cette damnée lettre, disait Chanlouineau, c’est pour un oncle à moi qui marie sa fille…

Bref, Martial se mit à table, et, sous la dictée de Chanlouineau, non sans mainte rature, il écrivit :

« Mon cher ami… Nous sommes enfin d’accord, et le mariage est décidé. Nous ne nous occupons plus que de la noce qui est fixée à… Nous vous invitons à nous faire le plaisir d’y venir. Nous comptons sur vous et vous devez être persuadé que plus vous amènerez de vos amis, plus nous serons contents.