Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/164

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— Quels sont les chefs ?…

— Lacheneur, l’abbé Midon, Chanlouineau, le baron d’Escorval…

— Assez ! cria le duc.

Le danger se précisant, le sang-froid lui revenait ; sa taille herculéenne courbée par les ans se redressait.

Il sonna à briser la sonnette ; un valet parut :

— Mon uniforme, commanda M. de Sairmeuse, mes ordres, mon épée, mes pistolets !… Faites vite !

Le domestique se retirait abasourdi…

— Attends !… cria-t-il encore. Qu’on monte à cheval et qu’on aille dire à mon fils d’accourir ici, bride abattue… Qu’on prenne mes meilleurs chevaux… On peut aller à Sairmeuse et en revenir en deux heures…

Chupin le tirait par le pan de sa redingote ; il se retourna :

— Qu’est-ce encore ?…

Le vieux maraudeur mit le doigt sur ses lèvres, commandant ainsi le silence ; mais dès que le valet fut sorti :

— Inutile, monseigneur, dit-il, d’envoyer chercher M. le marquis ?

— Et pourquoi, maître drôle ?

— C’est que, monseigneur, c’est que, excusez-moi, je vous suis dévoué…

— Jarnibleu !… parleras-tu ?…

Positivement, Chupin regrettait de s’être tant avancé…

— Alors donc, bégaya-t-il… monsieur le marquis…

— Eh bien ?…

— Il en est !…

D’un formidable coup de poing, M. de Sairmeuse renversa la table.

— Tu mens, misérable !… hurla-t-il, en jurant à faire tomber le crépi du plafond, tu mens !…

Il était à ce point menaçant et terrible que le vieux maraudeur bondit jusqu’à la porte, dont il tourna le bouton, prêt à s’enfuir.

— Que j’aie le cou coupé si je ne dis pas vrai, insista-