Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/208

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vulsive ce fils qu’elle tremblait de ne plus revoir, puis rassemblant toute son énergie, elle le repoussa en prononçant ce seul mot :

— Va !…

Il sortit… et lorsque s’éteignit, sur la route, le roulement de la voiture qui l’emportait, Mme d’Escorval et Marie-Anne se laissèrent tomber à genoux, implorant la miséricorde du Dieu des causes justes.

Elles ne pouvaient que prier. Le curé de Sairmeuse agissait, ou plutôt il poursuivait l’exécution du plan de salut qu’il avait conçu.

Ce plan, d’une simplicité terrible, comme la situation, il l’expliquait à Maurice pendant que galopaient les chevaux rudement menés.

— Si en vous livrant vous deviez sauver votre père, disait-il, je vous crierais : Livrez-vous, et confessez la vérité, c’est votre devoir strict… Mais ce sacrifice serait plus qu’inutile, il serait dangereux. Jamais l’accusation ne consentirait à vous séparer de votre père. On vous garderait, mais on ne le lâcherait pas, et vous seriez indubitablement condamnés tous les deux… Laissons donc — je ne dirai pas la justice, ce serait un blasphème — mais les hommes de sang qui s’intitulent juges, s’égarer sur son compte et lui attribuer tout ce que vous avez fait… Au moment du procès, nous arriverons avec les plus éclatants témoignages d’innocence, avec des alibi tellement indiscutables que force sera de l’acquitter… Et je connais assez les gens de notre pays pour être sûr que pas un des accusés ne révélera notre manœuvre…

— Et si nous ne réussissons pas ! dit Maurice d’un air sombre, que me restera-t-il à faire ?

C’était une question si terrible que le prêtre n’osa répondre. Tout le reste du chemin, Maurice et lui gardèrent le silence.

Ils arrivaient cependant, et Maurice reconnut combien avait été sage l’abbé Midon en l’empêchant de recourir à un déguisement.