Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/217

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Anne mirent pied à terre dans la cour de l'Hôtel de France.

Elles trouvèrent Maurice désespéré et l’abbé Midon perdant courage.

C’est que, depuis l’instant où Maurice avait écrit, les événements avaient marché, et avec quelle épouvantable rapidité !…

On connaissait maintenant les ordres arrivés par le télégraphe ; ils avaient été imprimés et affichés…

Le télégraphe avait dit :

« Montaignac doit être regardé comme en état de siège. Les autorités militaires ont un pouvoir discrétionnaire. Une commission militaire fonctionnera aux lieu et place de la Cour prévôtale. Que les citoyens paisibles se rassurent, que les mauvais tremblent ! Quant aux rebelles, le glaive de la loi va les frapper !… »

Six lignes en tout… mais chaque mot était une menace.

Ce qui surtout faisait frémir l’abbé Midon, c’était la substitution d’une commission à la Cour prévôtale.

Cela renversait tous ses plans, stérilisait toutes ses précautions, enlevait les dernières chances de salut.

La Cour prévôtale était certes expéditive et passionnée, mais du moins elle se piquait d’observer les formes, elle gardait quelque chose encore de la solennité de la justice régulière qui, avant de frapper, veut être éclairée.

Une commission militaire devait infailliblement négliger toute procédure, et juger les accusés sommairement, comme en temps de guerre on juge un espion.

— Quoi !… s’écriait Maurice, on oserait condamner sans enquête, sans audition de témoins, sans confrontation, sans laisser aux accusés le temps de rassembler les éléments de leur défense !…

L’abbé Midon se tut… Ses plus sinistres prévisions étaient dépassées… Désormais, il croyait tout possible…

Maurice parlait d’enquête… Elle avait commencé dans la journée, et elle se poursuivait, en ce moment même, à la lueur des lanternes des geôliers.