Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/232

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— Je n’avais pas d’armes, monsieur, vous ne l’ignorez pas… et si j’étais parmi les révoltés, c’est que j’espérais les décider à abandonner une entreprise insensée !…

— Vous mentez !…

Le baron d’Escorval pâlit sous l’insulte et ne répondit pas.

Mais il y eut un homme dans l’auditoire, qui ne put supporter l’horrible, l’abominable injustice, qui fut emporté hors de soi… Et celui-là, ce fut l’abbé Midon, qui, l’instant d’avant, recommandait le calme à Maurice.

Il quitta brusquement sa place, se courba pour passer sous les cordes à fourrage qui barraient l’enceinte réservée, et s’avança au pied de l’estrade.

— M. le baron d’Escorval dit vrai, prononça-t-il d’une voix éclatante, les trois cents prisonniers de la citadelle l’attesteront, les accusés en feront serment la tête sur le billot… Et moi qui l’accompagnais, qui marchais à ses côtés, moi prêtre, je jure devant Dieu qui vous jugera l’un et l’autre, monsieur de Sairmeuse, je jure que tout ce qu’il était humainement possible de faire pour arrêter le mouvement, nous l’avons fait !…

Le duc écoutait d’un air à la fois ironique et méchant.

— On ne me trompait donc pas, dit-il, quand on m’affirmait que la rébellion avait un aumônier !… Allez, monsieur le curé, vous devriez rentrer sous terre de honte. Vous, un prêtre, mêlé à ces coquins, à ces ennemis de notre bon roi et de notre sainte religion !… Et ne niez pas… Vos traits contractés, vos yeux rougis, le désordre de vos vêtements souillés de poussière et de boue, tout trahit votre conduite coupable !… Faut-il donc que ce soit moi, un soldat, qui vous rappelle à la pudeur, au respect de votre caractère sacré !… Taisez-vous, monsieur, éloignez-vous !…

Les avocats se levèrent vivement.

— Nous demandons, s’écrièrent-ils, que ce témoin soit