Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/285

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sons pas, on nous lavera la tête avec le même plomb… Mais nous réussirons… Là-dessus, assez causé !…

Ayant dit, il tira de dessous sa longue capote une forte pince de fer et un litre d’eau-de-vie qu’il déposa sur le lit.

Il prit ensuite la bougie ; et à cinq ou six reprises il la fit passer rapidement devant la fenêtre.

— Que faites-vous ?… demanda le baron surpris.

— Je préviens vos amis que tout va bien. Ils sont là-bas, à nous attendre, et tenez, voici qu’ils répondent…

Le baron regarda, et en effet, par trois fois il vit briller une petite flamme très-vive, comme celle que produit une pincée de poudre.

— Maintenant, reprit le caporal, nous sommes des bons !… reste à savoir où en sont les barreaux…

— Je n’ai guère avancé la besogne, murmura M. d’Escorval…

Le caporal s’approcha :

— Vous pouvez même dire que vous ne l’avez pas avancée du tout, fit-il, mais rassurez-vous… j’ai été armurier, et je sais manier une lime…

Le baron eût souhaité quelques éclaircissements ; un laconique : « Silence dans le rang ! » fut tout ce qu’il obtint de son compagnon.

Expansif en face d’une bouteille, l’honnête Bavois devenait dans les grandes occasions « fort ménager de sa salive » — c’était son expression.

S’il se taisait, c’est qu’il étudiait la situation, le fort et le faible de l’entreprise, en homme qui sait que tout dépend de son sang-froid.

— Il s’agit de n’être ni vu ni entendu des camarades, grommelait-il en tourmentant sa moustache grise.

C’était plus aisé à concevoir qu’à réaliser.

Et cependant, après un moment de réflexion, il ajouta :

— Cela se peut.

C’est qu’il avait plus d’un expédient dans son sac, le caporal.