Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/323

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Tous les soldats de service la nuit de l’évasion ayant été interrogés, voici ce que l’un d’eux avait déclaré :

« — J’étais de faction dans le corridor de la tour plate, quand, vers deux heures et demie, après qu’on eût écroué Lacheneur, je vis venir à moi un officier. Il me donna le mot d’ordre, naturellement je le laissai passer. Il a traversé le corridor et est entré dans la chambre voisine de celle où était enfermé M. d’Escorval et en est ressorti au bout de cinq minutes… »

« — Reconnaîtriez-vous cet officier ? » avait-on demandé à ce factionnaire.

Et il avait répondu :

« — Non, parce qu’il avait un manteau dont le collet était relevé jusqu’à ses yeux. »

Quel pouvait être ce mystérieux officier ? qu’était-il allé faire dans la chambre où les cordes avaient été déposées ?…

Martial se mettait l’esprit à la torture sans trouver une réponse à ces deux questions.

Le marquis de Courtomieu, lui, semblait moins inquiet.

— Ignorez-vous donc, disait-il, que le complot avait dans la garnison des adhérents assez nombreux ? Tenez pour certain que ce visiteur qui se cachait si exactement était un complice qui, prévenu par Bavois, venait savoir si on avait besoin d’un coup de main.

C’était une explication et plausible même : cependant elle ne pouvait satisfaire Martial. Il entrevoyait, il pressentait au fond de cette affaire un secret qui irritait sa curiosité.

— Il est inconcevable, pensait-il avec dépit, que M. d’Escorval n’ait pas daigné me faire savoir qu’il est en sûreté !… Le service que je lui ai rendu valait bien cette attention.

Si obsédante devint son inquiétude, qu’il résolut de recourir à l’adresse de Chupin, encore que ce traître lui inspirât une répugnance extrême.