Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/376

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— Les soldats !… crièrent-ils, fuyons !…

Une douzaine de soldats, en effet, approchaient courant de toutes leurs forces.

— Ah ! je l’avais bien dit !… s’écria Maurice, le lâche est venu, mais il avait prévenu les gendarmes !…

Il bondit en arrière, et brisant son épée sur son genou, il en lança les tronçons à la face de Martial en disant :

— Voilà ton salaire, misérable !…

— Misérable !… répétèrent Jean et le caporal Bavois, traître !… infâme !…

Et ils s’enfuirent laissant Martial foudroyé…

Un prodigieux effort le remit. Les soldats arrivaient ; il courut au sous-officier qui les commandait, et d’une voix brève :

— Me reconnaissez-vous ?…

— Oui, répondit le sergent, vous êtes le fils du duc de Sairmeuse.

— Eh bien, je vous défends de poursuivre ces gens qui fuient !…

Le sergent hésita d’abord, puis d’un ton décidé :

— Je ne puis vous obéir, monsieur, j’ai ma consigne.

Et s’adressant à ses hommes :

— Allons, vous autres, haut le pied !

Il allait donner l’exemple, Martial le retint par le bras.

— Du moins, fit-il, vous ne refuserez pas de me dire qui vous envoie…

— Qui ?… le colonel, parbleu ! d’après les ordres que le grand prévôt, M. de Courtomieu, lui a envoyés hier soir par un homme à cheval… Nous sommes en embuscade en bas, dans le bois, depuis le point du jour… Mais lâchez-moi, sacré tonnerre !… vous allez me faire manquer mon expédition…

Il s’échappa, et Martial, plus trébuchant qu’un homme ivre, descendit la lande et alla reprendre son cheval.

Mais il ne rentra pas au château de Sairmeuse… Il revint à Montaignac, et passa le reste de l’après-midi enfermé dans sa chambre.