Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/522

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Brusquement elle mit sa bourse dans la main du misérable et l’entraîna, par une porte intérieure, jusqu’à l’escalier de service.

— Prenez toujours cela, disait-elle d’une voix sourde, ce n’est qu’un à-compte… Nous nous reverrons. Et pas un mot ! Pas un mot à mon mari, surtout !…

Elle avait été bien inspirée de ne pas perdre une minute ; lorsqu’elle rentra, elle trouva Martial dans le salon.

Il était assis, la tête inclinée sur la poitrine, et tenait à la main une lettre déployée.

Au bruit que fit sa femme, il se dressa, et elle put voir rouler dans ses yeux une larme furtive.

— Quel malheur nous frappe encore !… balbutia-t-elle d’une voix que l’excès de son émotion de tout à l’heure rendait à peine intelligible.

Martial ne remarqua pas ce mot « encore, » qui l’eût au moins étonné.

— Mon père est mort, Blanche, prononça-t-il.

— Le duc de Sairmeuse !… Mon Dieu !… Comment cela ?…

— D’une chute de cheval, dans les bois de Courtomieu, près des roches de Sanguille…

— Ah !… c’est là que mon pauvre père a failli être assassiné.

— Oui… c’est au même endroit, en effet.

Un moment de silence suivit.

Martial n’aimait que très-médiocrement son père, et il n’en était pas aimé, il le savait ; et il s’étonnait de l’amère tristesse qui l’envahissait en songeant qu’il n’était plus.

Puis, il y avait autre chose encore.

— D’après cette lettre, que m’apporte un exprès, poursuivit-il, tout le monde, à Sairmeuse, croit à un accident. Mais moi !… moi !…

— Eh bien !…

— Moi, je crois à un crime.