Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/133

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— Oui, reprit l’hacendero, à qui ces mêmes excès causaient un profond déplaisir qui ne contribuait pas peu à amasser les nuages que nous avons, signalés tout à l’heure sur son front.

— Le sang d’Espagnols inoffensifs a déjà coulé, continua le muletier, et le seul soutien jusqu’ici, dans la province, de la sainte cause de l’émancipation de la Nouvelle-Espagne, ce misérable Antonio Valdès…

— Antonio Valdès ! s’écria don Rafael en interrompant Trujano ; quoi ! le vaquero de don Luis Tres-Villas, mon père ?

— Lui-même, reprit don Mariano tout soucieux ; plaise à Dieu qu’il se souvienne que son maître a été toujours plein d’humanité pour lui !

— Croyez-vous donc que mon père, dont les opinions libérales ne sont ignorées de personne, puisse courir quelque danger ? s’écria l’officier d’une air alarmé.

— Non, sans doute.

— Don Valerio, combien cet homme, ce Valdès, a-t-il de combattants sous ses ordres ? reprit don Rafael.

— Une cinquantaine, m’a-t-on dit ; mais, depuis, sa troupe doit s’être grossie de beaucoup de gens des campagnes, qui souffrent plus que les autres de l’oppression espagnole.

— Seigneur don Mariano, dit l’officier d’une voix émue, il ne fallait rien moins qu’une semblable nouvelle pour me faire brusquement abréger les moments que j’étais si heureux de vous consacrer. »

Avec cet héroïsme du cœur de la femme, Gertrudis étouffa encore un cri d’angoisse, prêt à jaillir de ses lèvres à la nouvelle de ce départ précipité, et couvrit de ses longues paupières abaissées le nuage de défaillance qui ternit tout à coup son regard

« Quand un père est menacé, reprit don Rafael, quand même il ne courrait le risque que de l’être, la place d’un fils est près de lui ! N’est-ce pas, doña Gertrudis ?