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Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/151

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l’un des ventaux entr’ouverts de la porte, et ses traits n’étaient pas si défigurés que don Rafael ne pût reconnaître ceux de son père : il força son cheval d’approcher malgré sa répugnance.

Les veines du front gonflées, les yeux ternes, il regarda de nouveau.

C’était bien l’affreuse vérité. L’Espagnol, avait été victime des insurgés, qui n’avaient pas eu de respect pour son inoffensive vieillesse. Les auteurs mêmes du crime s’en vantaient. Au-dessous étaient écrits deux noms à la craie :

Arroyo, Antonio Valdès, lut l’officier d’une voix rauque.

Et sa tête tomba pensivement sur sa poitrine pendant un instant ; puis, en réponse à sa pensée secrète, il reprit tout haut, d’une voix qu’étranglait de poignantes émotions :

« Mais où les trouver, comment les avoir, ces deux têtes qu’il me faut clouer à la place de celle-ci ?

— En prenant fait et cause pour l’Espagne, répondit cette seconde voix intérieure que l’homme entend si souvent dialoguer avec la première.

— Vive donc l’Espagne ! s’écria le dragon d’une voix retentissante. Un fils pourrait-il combattre sous la même bannière que les assassins de son père ? »

Le dragon descendit de cheval, et s’agenouillant pieusement :

« Tête vénérable et chère, dit-il, je jure sur vos cheveux blancs, souillés de sang, de faire tous mes efforts pour étouffer au berceau, à l’aide du fer et de la flamme, cette insurrection maudite, dont un des premiers actes vous a coûté la vie. Dieu me soit en aide ! »

Puis, à la voix intérieure de l’amour qui lui répétait tout bas ces paroles de sa belle maîtresse :

« Que tous ceux qui lèveront le bras en faveur de l’Espagne soient notés de honte et d’infamie ; qu’ils ne trouvent ni un toit qui les accueille ni une femme qui leur