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Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/17

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quelques cabanes éparses sous de grands arbres qui semblaient humbles comme des touffes de bruyères. En revanche, des pitons les plus élevés de la sierra, les uns aigus, les autres arrondis, les clartés lunaires jaillissaient en éclairs pareils à ceux que renvoie le fer d’une lance ou un casque d’acier poli. Puis, d’un autre côté, ces lueurs éclairaient une immense étendue de pays sur laquelle les ramifications des montagnes qui couvrent partout le Mexique n’apparaissaient que semblables à des lianes entrelacées sur le sol.

Il n’y avait d’éveillé autour de moi que les voix des montagnes, qui ne dorment jamais, auxquelles se mêlaient celles des cascades et des cours d’eau. Au milieu du silence de la nuit, des courants perpétuels pareils au soufflet d’un orgue toujours en mouvement, semblaient établir entre les pics les plus élevés et les gouffres les plus profonds d’éternels et mystérieux dialogues.

Je prêtais l’oreille tour à tour aux voix des vallées et des montagnes, lorsque tout à coup il me parut que ces rumeurs devenaient moins vagues et que des sons humains s’y mêlaient, comme si, du fond des ravins, les notes encore lointaines d’une trompe de chasse se fussent élevées jusqu’au sommet de la sierra. Je crus être le jouet de quelque illusion ; car ces notes étaient si dures, si rauques, malgré leur éloignement, que je ne savais de quel instrument faussé ou bizarre elles pouvaient s’échapper. Le silence ne tarda pas à succéder à ces sons étranges, auxquels l’heure et le lieu prêtaient un caractère lugubre et presque surnaturel.

Si la Sierra-Madre eût possédé quelque légende de chasseur noir, j’aurais cru avoir entendu le bruit de son cor ; mais il fallait attribuer une moins fantastique origine à cette singulière musique. Après plusieurs minutes d’un calme profond, la même mélodie bizarre se fit de nouveau et plus distinctement entendre, car elle était déjà plus proche ; elle avait quelque analogie avec les cor-