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Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/210

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fort, et à en attirer pour le moins un ou deux dans l’île afin de s’en emparer.

Trois jours après la prise de l’île, Costal fut encore le premier à signaler une voile qui faisait route de San-Blas pour Acapulco. Comme ce ne pouvait être qu’un navire espagnol, on s’empressa de hisser le pavillon d’Espagne au sommet du fortin, et le navire en vue arbora bientôt en effet un pavillon semblable. Ce fut avec une joie bien vive que la garnison vit le brick s’approcher et grossir jusqu’à ce que l’on put lire dans une de ses évolutions de grandes lettres blanches peintes sur son arrière.

C’était le San-Carlos, et les Espagnols transfuges le reconnurent pour être l’un des bâtiments dont on attendait l’arrivée dans la forteresse avec d’autant plus d’anxiété, qu’il était chargé de vivres et de munitions. Les insurgés avaient amplement de ces dernières, et étaient sur le point de manquer des premiers.

Le navire s’approchait en apparence sans défiance aucune ; mais le capitaine était un vieux loup de mer qui savait que le sort des armes est variable, et qu’en guerre, si les places ne changent pas de position, elles peuvent souvent changer du moins d’occupants.

Lors donc que tous se félicitaient dans l’île d’une capture prochaine, le San-Carlos mit brusquement en panne, et on le vit hisser à côté de la bannière espagnole un second pavillon bleu de ciel avec trois étoiles d’or. Cela fait, on parut attendre à bord que l’on fît de l’île le signal correspondant.

Ce mystérieux signal du brick était de l’hébreu pour les insurgés, et malheureusement leurs nouveaux soldats ne le comprenaient pas davantage. Leur seule ressource fut de hisser à leur tour un second pavillon espagnol à côté du premier ; ils en eussent eu dix, qu’ils les auraient tous fait flotter à la fois à la pointe du mât de signaux, tant ils avaient à cœur de prouver qu’ils étaient bien véritablement Espagnols ; mais ils n’en avaient que deux.